Shocking ! Que Don Juan compte dans son catalogue 1003 maîtresses rien qu’en Espagne passe encore, mais que Margaret Campbell, duchesse d’Argyll, ait eu 88 amants, voilà qui était un peu too much pour la bonne société britannique de 1963.
Révélée à la presse à scandales d’Outre-Manche, l’affaire fit des gorges aussi chaudes que profondes : on exhuma la collection de Polaroid de la dame, comprenant quelques rangs de perles et l’image troublante d’une fellation offerte à un « homme sans tête ». Un scandale ne venant jamais seul, l’opéra que le compositeur Thomas Adès consacra à l’affaire devait aussi choquer l’opinion : devenu célèbre pour la description musicale de cette ducale gâterie, Powder her Face fut considéré comme « non adapté à une retransmission » par la radio anglaise… Mais on aurait tort de ne voir ici qu’une envie de choquer. Sollicité par d’aussi augustes maisons que le Royal Opera House, la BBC, ou le Carnegie Hall de New York, Thomas Adès convoque ici ensemble les audaces d’Alban Berg et de Stravinsky, la fougue des musiciens de tango, la gouaille du cabaret et la verve de la comédie musicale, au service d’une partition sensuelle et surprenante, et d’un livret qui raconte avant tout la décadence d’une classe et d’une époque.